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MINEURS En

    DETENTION

RICHARD ROSS

SANS POUVOIR

"D’entendre ces voix fragiles, ces jeunes issus de familles sans ressources et de communautés sans aucun pouvoir, et beaucoup d’entre eux sans papiers, c’était bouleversant."

Comment avez-vous découvert et choisi de travailler sur le sujet des "Mineurs en détentions" ?

Je travaillais sur le livre et une exposition, "Architecture de l’autorité", qui a été publiée et montré par Aperture (New York). Pour ce travail, j’ai été invité à visité un centre de détention juvénile et j’ai commencé à parler à quelques uns des jeunes, à El Paso, au Texas. D’entendre ces voix fragiles, ces jeunes issus de familles sans ressources et de communautés sans aucun pouvoir, et beaucoup d’entre eux sans papiers, c’était bouleversant. C’était un moment charnière, j’ai réalisé que je devais sortir de la stabilité du projet d’architecture pour chercher des réponses viscérales. J’ai donc commencé à parler et à photographier ces enfants. 

Comment êtes-vous entré en contact avec les centres de détentions et quelles sont les conditions d'autorisation dans ces lieux là aux Etats-Unis ? 

Nous ne sommes pas un système fédéral. J’ai approché l’état de probation et les localités. Je m’adressais aux juges de probations et aux directeurs d’établissement. Il n’y a pas qu’une seule stratégie. Après avoir travaillé sur plus de dix années et dans plus de 35 pays, sur plus de 300 sites différents, interviewant plus de 1000 enfants et d’adultes juvéniles enfermés à vie, toutes les stratégies ont été essayées ! On voit toujours les fois ou j’ai réussi, mais c’est plus difficile de voir le nombre de fois où j’ai essuyé des refus et où les portes sont restées fermées. 

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Combien de temps restez-vous dans un centre ? 

Je commence quand les portes du centre s’ouvrent et je pars quand ils me jettent dehors. Je peux y passer des journées entières, je ne m’arrête pas pour manger ou prendre des pauses. Je profite de tout ce temps précieux. En général je viens plusieurs jours, je cherche les enfants les plus jeunes, les plus vieux, d’ethnies différentes, d’orientations sexuelles différentes, de différents niveaux d’agressivité, différentes peines …J’espère voir de tout. J’ai créé une bibliothèque longitudinale d’images et de textes incomparable pour décrire ces enfants… mais ça m’a occupé une bonne partie de ma vie.

Comment êtes-vous accueillis par les détenus au sein de leur quotidien ? 

Ce sont des adolescents qui s’ennuient. Ils veulent parler. Je frappe aux portes de leur cellule et je demande si peux entrer. J’enlève mes chaussures et les laisse à la porte. Je m’assoie sur le sol de la cellule et je leur donne une supériorité émotionnelle et physique par rapport à moi. Je leur dis qu’ils peuvent choisir d’arrêter la conversation à tout moment… mais ils adorent parler. Pour les cas des plus vieux condamnés juvéniles, des gens qui ont maintenant entre 40 et 80 ans, ils sont très contents de parler parce qu’ils ont souvent été oubliés par leur familles et amis. J’ai rendu visite a une personne qui m’a demandé à quoi il ressemblait après toutes ces années, et qui m’a dit que j’étais la seule personne a venir le voir en 40 ans. 

 

Les gens sont rarement réticents quand je vais là-bas. Si ils le sont, et c’est vraiment rare, je respecte leur décision sans avoir besoin d’une explication. Mais sur les 1000 personnes interviewées, ceux qui ont décliné se comptent sur les doigts d'une main …

"Ce sont des adolescents qui s’ennuient. Ils veulent parler. Je frappe aux portes de leur cellule et je demande si peux entrer."

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Avez-vous été choqué par les conditions de détentions ou sont-elles adaptées aux jeunes détenus ?

Une prison est une prison. La plupart ont des longs halls, contruits de parpaings, avec de chambres de 2,5 sur 3 mètres. Il n’y a pas de « bonnes » prisons. Certaines ont été créées avec un système de dortoirs avec un certains respect pour les besoins humains et la dignité, mais elles sont très rares. Maintenant, comme le système de détention juvénile a été consolidé, CERTAINS enfants ont été déviés d’incarcération très difficiles et des alternatives ont été pensées… les installations sont en train d’être transformées pour accueillir des migrants. C’est une situation terrible.

Quelles méthodes sont mises en place pour la réinsertion de ces jeunes après leur sortie de prison ? 

Quand les enfants sont dans ce système, ils ont 6,5h d’école.

Pour beaucoup de cas, l’école était un échec et ils sont alors placés dans des classes spéciales, adaptés à leur besoins. Souvent ils sont très intelligents mais le problème vient de la façon dont ils se comportent. Ce n’est pas une surprise quand on est face à des enfants d’extrême pauvreté qui ont vécu de nombreux traumatismes dans leur vies. 

Entretien par Mathilde Azoze

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