Photo du mois
Janvier 2020
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Manu Ferneini

"Cette photographie a été prise quatre jours après le début de la révolution libanaise, qui, depuis son déclenchement, le 17 octobre 2019, s’est concentrée sur l’abolition de la longue décennie d’établissement politique, afin de former un gouvernement de technocrates, non sectaire et non corrompu.
Depuis la fin de la guerre civile en 1990, le Liban est resté entre les mains d’une elite dirigeante incompétente, dont la stratégie de développement d’après-guerre s’appuyait sur l’emprunt public, et qui n’avait pour résultat que de renforcer les secteurs bancaires en négligeant les besoins basiques des libanais. Aujourd’hui, la crise économique affecte tout le monde, quelque soient les classes, bien qu’il reste un énorme gouffre entre les réalités de chacun, et les discours véhiculés par les médias. Cette scène a été photographiée dans un bus garé au milieu d’une foule euphorique : dehors, sur la place principale où se déroulent les manifestations, dans le centre de Beyrouth, la fougue des manifestants qui chantaient et brandissaient des drapeaux libanais était palpable. Pendant que certains d’entre eux tapaient des pieds sur le toit du bus, ce jeune homme a allumé sa cigarette. Sa fumée a été comme une allégorie soudaine de l’esprit et de la frénésie autour de nous, seules choses qui ne nous ont pas été retirées, et qui sont nos outils pour combattre. Aujourd’hui je regarde ce que nous avons déjà accompli, mais aussi la longue route qu’il nous reste à faire. Cependant, au milieu de toutes ces épreuves économiques où nous n’avons plus grand chose à perdre, les yeux de ce jeune homme me rappellent que nous ne pouvons pas nous arrêter en si bon chemin."
Manu Ferneini,
Liban
@manuferneini