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raúl cañibano

histoire(s) cubaines

Raúl Cañibano photographie les rues de Cuba depuis les années 90, et documente le quotidien post-révolutionnaire de son pays, loin des représentations héroïques du Che et de Fidel Castro. Autodidacte, inspiré de Dali et de Koudelka, il redouble d'inventivité pour se procurer son matériel photo pendant la Période Spéciale. Depuis le soulagement de l'embargo entre Cuba et les États-Unis, ses photographies voyagent dans le monde entier. 
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Vous commencez à apprendre la photographie dans les années 90. À cette époque, c’est le début de La Période Spéciale et de la crise économique à Cuba. Est-ce que ces événements vous ont poussé à photographier la rue ? 

 

Je suis né à La Havane en 1961. J’ai commencé à faire de la photo en 1989, en plein effondrement du communisme en Europe. Notre pays dépendait économiquement de ça et Cuba s’est effondrée dans une crise totale. La photographie n’était pas exclue de ce processus car le matériel photo venait de l’Allemagne communiste, j’ai donc travaillé très peu de temps. Après. ça, le matériel a été périmé et rien ne rentrait plus au pays. Mon intérêt pour la photographie a commencé en rendant visite à des membres de ma famille qui habitaient dans la zone orientale de Cuba, et par hasard, j’ai fait la connaissance de personnes qui avaient un petit labo photo chez eux. Cela a causé un tel impact en moi que j’ai décidé de troquer mon métier de soudeur dans l’aviation pour la caméra. En 1991, en me promenant par la Habana Vieja (la Vieille Havane), je suis entré dans ce qui est aujourd’hui la Photothèque de Cuba. Il y avait une expo d’un photographe qui est décédé depuis, Afredo Zarabia. En regardant son oeuvre, j’ai voulu m’exprimer comme lui le faisait. À cette période, il n’y avait pas d’école de photographie à Cuba et dans ma famille il n’existait aucune référence à l’art. Un ami photographe m’a poussé à aller à la Bibliothèque Nationale de Cuba et m’orienta vers les grands maîtres de la peinture et de la photographie. Là j’ai connu les oeuvres des grands photographes : Koudelka, Salgado, Robert Frank ... et également celles des peintres impressionnistes et autres courants esthétiques. Je pense que je me suis beaucoup alimenté de l’oeuvre de Dali et autres surréalistes. Ça m'a transmis un grand sens de la poésie. C'est ce qui ressort dans mon travail aujourd'hui. Petit à petit j’ai exploré avec ma caméra Zenith les rues de  La Havane et j’apprenais chaque jour des choses nouvelles, en marchant beaucoup. C’était des moments très difficiles. J’ai appris à faire ma propre chimie  avec une balance ancienne, le développement et le tirage. Au début j’étais comme un chasseur d’images, je n’avais aucune idée de ce que je voulais mais cela m’a appris à composer et à être rapide avec l'appareil.

Plus tard, j’ai mûri dans le travail et je me suis rendu compte que  raconter une histoire était bien plus intéressant. 

Comment avez-vous surmonté le manque d’équipement photographique à Cuba au début de votre carrière ? 

Pendant les années 90, le matériel photo était déjà périmé à Cuba. J’ai arrêté la photo et suis revenu à mon ancien travail de soudeur pour pouvoir survivre quotidiennement. 

En 1998, le tourisme augmentait à Cuba et de grands photographes commençaient à débarquer sur l’ile. Là, je me suis fait de grands amis qui m’ont aidé à continuer dans la photo, en m’apportant le matériel dont j'avais besoin. 

Vous avez longtemps documenté le Cuba rural dans votre série "Terra Guajira". Quel attachement avez-vous à la campagne ?

En 1999 j’ai découvert le Prix du Salon National  de Photographie, alors j’ai pris mon appareil et je suis parti a Manati, qui est un village dans la zone orientale de Cuba, où j’ai vécu une partie de mon enfance. Un voyage fantastique. J’ai commencé à récupérer mes souvenirs d’enfance, j’ai fait une série de quatre images et cette année là, j’ai gagné le prix.  Aujourd’hui, c’est un de mes projets les plus avancés.  Après ça, j’ai continué à parcourir le pays et aujourd’hui j’ai un travail plus solide sur ce thème.

Je ne suis pas un photographe de presse, cependant j’utilise la même structure : Où, quoi, comment et quand ? Mais mon travail est plus personnel. Je travaille sur plusieurs thèmes en même temps, et je gagne en maturité au sein de chaque travail.

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Vos photographies documentent Cuba, la vie après la révolution, le quotidien, loin des représentations politiques habituelles de Cuba. Tout cela d’une manière très onirique et avec une touche d’humour. Peut-on vous qualifier de photographe surréaliste ? Ou humaniste ?

Je crois que je suis plutôt un photographe humaniste, mais mon travail reflète aussi des touches oniriques et humoristiques. Parfois, je pousse ces touches à l’extrême. Peut-être que ça a à voir avec ma personnalité. Moi-même je ne sais pas quel est mon style. Ce serait bien si un critique pouvait me le dire même, si ce n’est pas une chose qui me préoccupe vraiment. Je crois qu’une photo doit transmettre une sensation avant tout.

À travers mon travail, je documente la vie de mon pays. Même si je ne me focalise pas sur des thèmes politiques, ils s’y reflètent inévitablement car la politique régit la société.

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Juste après le soulagement de l’embargo, vous avez exposé vos photographies en Californie, qu’est-ce que que cela représentait pour vous ?

 

L’embargo n’est pas terminé, ça a juste été une petite amélioration dans les relations Cuba-USA. Cela s’est malheureusement de nouveau dégradé. J’ai exposé dans beaucoup de lieux du monde et n’importe quelle scène où le public puisse jouir de mon oeuvre est pour moi une raison pour être heureux.

Cuba est très souvent photographié en couleur, pourquoi choisissez-vous le noir et blanc ? 

Je photographie en Noir et Blanc car c’est mon école. Même si j’aime la couleur, mon interprétation du monde est monochromatique. Mais la technique qu’on utilise n’est pas importante. Ce qui est important c’est de dire avec la photographie.

Auriez -vous un conseil à donner à un jeune photographe ?

Avant tout, il faut aimer la photographie, être en contact avec elle le plus souvent possible, étudier les grands maîtres des arts en général et être persévérant.  C’est un chemin difficile. Un projet a besoin de temps et on grandit avec son projet. Selon moi, la créativité dépend de la sensibilité que le photographe a face à l’être humain et ce qui l’entoure.

Entretien par Mathilde Azoze

Traduit de l'espagnol par Pia Elizondo

et Cesar Augeron - le 10.11.2019

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