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CORENTIN  
FOHLEN

SOCIÉTÉ(S)

Kiev, Ukraine. 25 janvier 2014. Mouvement pro-européen contre la corruption du président Ianoukovitch à Kiev. Face à face avec les forces de l'ordre sur les barricades de l'avenue Grouchowski, face au Parlement

Corentin Fohlen est photo-journaliste, représenté par l'agence Divergence. D'abord passionné de BD, il découvre ensuite la photographie et entraine son oeil au sein des manifestation parisiennes, avant de couvrir des pays en conflits tels que la Libye, l'Ukraine ou l'Afghanistan. 

Depuis 2010, il fait un travail de fond sur Haiti, s'éloignant du reportage d'actualité pour travailler avec une vision plus documentaire sur les différentes problématiques du pays. 

A l'occasion de la sortie de son ouvrage "Le village", troisième livre sur Haiti, nous lui avons posé quelques questions sur son parcours.

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Quand vous étiez adolescent, vous vouliez être dessinateur de BD …

Oui, j’ai toujours baigné dans la bande dessinée. Petit, je passais des journées entières à en lire, donc l’image m’a toujours fasciné, déjà par ce biais là. Dès le début du collège j’ai commencé à gribouiller sur mes cahiers, et peu à peu à dessiner tout le temps. Je voulais être dessinateur de bande dessinée, donc après le bac j’ai fait une formation dans une école à Bruxelles, et au sein de cette formation de dessinateur, au cours de la première année, j’ai découvert la photographie, médium qui m’a assez fasciné. J’ai donc commencé à photographier dans les rues, un peu « à la Doisneau », c’est à dire des scènes un peu drôles, ou des situations graphiques. En troisième année je ne faisais plus que ça, je passais des heures dans le laboratoire photo de l’école et je n’allais plus en cours de dessin. Ensuite je me suis installé à Paris, en sachant que je serais photographe, en changeant complètement de passion. J’ai trouvé un petit job et le reste du temps je photographiais les rues et les manifestations parce qu’il y en avait tous les jours, c’était une très bonne occasion d’allier le mouvement, les gens, et le sens surtout. Pour s’éloigner de l’esthétique pure et de l’anecdote « doisneau-iste » si je puis dire. J'ai ainsi voulu devenir photojournalisme. De fil en aiguille, j’ai rencontré des photographes, dont Rémi Ochlik qui m’a parlé de Wostok Press, une petite agence, où j’ai montré mon travail -qui n'était franchement pas terrible- mais ils m’ont laissé ma chance et j’ai commencé comme ça.

Comment passe-t-on des manifestations françaises aux pays en conflit ?

Très rapidement pour moi le photo journalisme c’était l’aventure, le voyage, l’étranger. Et c’était aussi les grands mythes du photo-journalisme c’est à dire Capa ou les photographes de la guerre du Viet Nam, qui me fascinaient par leur récits des guerres, pour moi c’était transcendant. Je pense que tous les jeunes photographes qui veulent être reporters sont éblouis par ces grands mythes là. Ça va avec la fougue de la jeunesse, avec des choix de vie. Etre photographe ce n’est pas un métier comme un autre, c’est une façon de vivre. Quand on est photographe on mélange sa vie avec son travail, il n’y a pas de séparation.  Beaucoup de photographes commencent avec cette idée en tête, qui reste d’ailleurs un mythe parce qu’en réalité c’est moins beau et glorieux : Il y a un vrai travail derrière tout ça, parfois frustrant, parfois pénible. Mais un reportage c’est aussi une demi-journée en banlieue parisienne. Si tu veux vraiment vivre le mythe tu pars à tes frais, ce que j’ai toujours fait, et tu galères, et même si il y a parfois un peu de gloire elle retombe très vite. 

Comment se passe la préparation d’un départ en Afghanistan ou en Libye par exemple ?

Je suis un très mauvais exemple, je ne prépare rien du tout, c’est une catastrophe. Quand on fait de l’actualité en plus, on a pas le temps de réfléchir: quand un évènement se produit il faut partir tout de suite ou c’est déjà trop tard. Ensuite sur une destination comme l’Afghanistan, la première fois c’était en partie pour suivre l’armée française, donc il a fallu obtenir des autorisations, j’ai échangé des mails pendant 3 mois, donc là c’était différent. Je sais qu’il y a ceux qui préparent tout, qui analysent tout, qui lisent tout sur le pays, et qui font les choses très sérieusement, mais moi je suis quelqu’un de très instinctif. Même maintenant que je fais plus du documentaire, donc que les sujets se traitent de manière plus froide, je ne prépare pas forcément tout dans les moindres détails. Mais moi j’aime découvrir les choses et faire avec.  J’ai besoin d’être sur place pour comprendre. C’est une question de caractère, le principal étant de savoir se débrouiller et de rendre compte avec sérieux. 

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Bangkok, Thaïlande. 16 mai 2010. Les chemises rouges ont installé leur camp dans le quartier d'affaires et commercial de Silom depuis 3 mois pour demander la dissolution du parlement et le retour de l'ancien premier ministre Thaksin. La dernière semaine les affrontements avec l'armée thaïlandaises prennent de l'ampleur jusqu'à l'évacuation définitive du camp dans le sang

En 2010, vous avez remporté le prix du jeune reporter à Visa pour l’image, puis en 2011 et 2016, le World Press Photo. Concrètement, qu’est ce que ça apporte les prix, dans la vie d’un photographe ?

Ça ne change pas la vie honnêtement. Ça donne quand même une reconnaissance professionnelle, à l’étranger surtout. En France j’avais déjà un peu pris mes marques dans la presse, au sein des rédactions, mais à l’étranger ça met un bon coup de projecteur. Ça donne une sorte de validation de la profession. Mais du jour au lendemain ça n’a rien changé, je me souviens même que les mois qui suivaient le World Press je n’avais eu aucune commande, encore moins que d’habitude d’ailleurs ! (Rires). Il faut être humble dans ce métier: quand on voit la liste des primés au World Press Photo, beaucoup de noms sont inconnus. Cela ne fait pas une carrière. Ça met la pression, parce que derrière tu dois absolument continuer de faire tes preuves ! 

Est ce qu’un sujet vous a marqué, troublé, en bien ou en mal, plus que les autres ?

Haiti sans hésiter. En fait ça m’a plus marqué dans ma carrière parce que c’est mon travail le plus approfondi, le plus engagé, le plus long, celui qui a le plus d’impact, le plus personnel aussi, et le plus documentaire. C’est un engagement de 8 ans déjà et je continue. Ensuite celui qui m’a le plus troublé, c’est la Libye, lors de la révolution. Ça m’a traumatisé d’une certaine manière, et c’est aussi le début d’une évolution dans mon travail. J'y ai pris de gros risques mais j'y ai vu mes limites en réalisant que je n'étais pas accro à l’adrénaline, aux armes, à la guerre et à la violence. J'ai quitté le conflit par peur (les troupes de Kadhafi avançaient sur Benghazi et les reporters risquaient de se retrouver pris dans une nasse), je me suis remis en question. Mon travail sur Haïti a débuté quelques mois après d'ailleurs. C’est la conséquence de cette réflexion la sur mon travail. 

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Organisation de la seconde édition du "Diner en Blanc" dans le ranch Montcel, dans les montagnes de Kenscoff, sur les hauteurs de la capitale. Les quelques 700 invités, dont certains venus de l'étranger, sont acheminé par bus dans un lieu qui leur ait caché jusqu'au dernier moment...

Justement, depuis 2012, vous faites un travail de fond sur Haïti, comment êtes-vous arrivé là-bas, et surtout, pourquoi avoir décidé de documenter ce pays ?

J’ai découvert Haïti en 2010, après le tremblement de terre du 12 janvier. Il y a eu un impact médiatique énorme, c’était une catastrophe humanitaire. Je ne connaissais absolument rien du pays, je suis arrivé 5 jours après et j’ai découvert l’ampleur du drame. Je ne suis pas resté longtemps, je n’avais pas d’argent et je n’étais pas en commande. Mes premiers pas à en Haïti ne sont pas mémorables. Mais en mars j’y suis retourné un mois, c’est la première fois que je retourne dans un pays, que je passe autant de temps là-bas. Je travaille certes sur des sujets liés à l’actualité, sur les conséquences humanitaires, liées à l’adoption notamment, mais aussi sur des sujets plus en profondeur; puis j’y retourne au courant de l’année en commande, puis à la fin de l’année pour traiter des sujets comme les élections, le choléra etc …En 2011 je n’y suis pas allé, j’ai couvert le printemps arabe en Egypte et Libye, puis en 2012, je décide de travailler en profondeur sur ce petit pays. Je discutais avec Alain Frilet qui me poussait à m’éloigner des news, et à réfléchir à ce que je voulais vraiment raconter avec Haïti. Donc je me suis relancé sans actu, sans commande, sans sujet précis, et j’y passe un mois, un peu à l’aventure, pour découvrir, et pour me plonger dans la complexité de ce pays. Au fur et à mesure de mes allers et retours ça s’est construit, je rencontre des gens, je lis beaucoup sur le pays. De France on a peu d’infos sur le pays, il faut être sur place et y passer du temps. Ça correspondait aussi à mon envie de travailler autrement, de manière plus documentaire, sur le long terme, et tout ça s’est construit en même temps que mon travail sur Haïti. Quand j’y vais je ne sais pas trop ce que je vais raconter mais justement j’aime ce côté improvisation là-bas, j’en ai besoin, c’est une sorte de liberté de faire ce que je veux. Les commandes c’est toujours très dirigé, et là c’est un peu ma bulle de liberté. 

Vous avez sorti un premier ouvrage sur le pays, « Haiti » en janvier 2017, puis « Karnaval Jacmel », en novembre 2017, et enfin, ce mois ci, sort « Le village ». Pouvez vous nous parler de ces ouvrages ? 

« Haiti » c’est mon travail de fond, qui est de présenter ce pays autrement. L’autre face d’Haiti qu’on ne connaît pas, qu’on n’imagine pas ou qu’on a rarement vue. C’est d’ailleurs celle que j’ai d’abord publiée dans la presse. C’est cette Haiti loin des clichés misérabilistes, catastrophiques, maudits etc … c’est un peu mon cheval de bataille depuis le début, présenter les richesses du pays, en tout cas sa complexité. Certes c’est un pays pauvre mais  il y a tellement plus à connaitre, et c’est aussi rétablir une injustice, qui est celle de la manière dont on présente Haiti systématiquement. Ça a été tellement autre chose avant que le pays ne mérite pas cette image, et le peuple haïtien ne mérite pas ça non plus, cette simplification de ce qu’ils sont. Et c’est aussi un peu une critique du journalisme dont je fais partie, ou des médias. Les médias publient ce qu’on leur présente et les journalistes proposent ce qui est attendu par les médias. Et c’est la preuve que l’on peut proposer autre chose, puisque ce sujet je l’ai vendu plus d’une trentaine de fois. Quand on réfléchi a quelque chose de manière un peu originale et différente ça intéresse aussi. C’est donc aussi une remise en question de mon propre travail, et de celui de journaliste. 

« Karnaval », c’est un petit chapitre de mon travail qui est un travail beaucoup plus plastique, artistique, esthétique, sur un carnaval qui a lieu a Jacmel, une ville au sud du pays. Et qui est issu des mêmes traditions que tous les carnavals du monde entier mais a la manière créole, avec des personnages fous, des costumes dingues. Je voulais présenter cette richesse culturelle, qui est belle et forte, et créative. Et le troisième, qui va sortir, c’est « Le village », qui est encore un travail particulier, les 3 livres n’ayant absolument rien à voir. Le premier étant très photo-journalisme dans la façon de faire, le deuxième presque ethnographique, des portraits en studio, et « Le village » c’est documentaire, mais un peu esthétisant, avec très peu de gens, plutôt pictural. C’est  l’histoire d’un village qui a été construit deux ans après le tremblement de terre, pour reloger les gens qui avaient perdu leur logement et puis très rapidement c’est devenu un bazar, un bric à brac sans nom, et qui était à petit échelle à l’image des complexités et des problématiques du pays : l’absence de l’état, la corruption, les projets de développements mal pensés, les choses absurdes, les problèmes économiques, écologiques, énergétiques. Et par là je voulais aussi montrer la débrouille des haïtiens, et comment ils sont eux mêmes moteurs et acteurs de leur propre vie, sans avoir besoin des autres. C’est une critique de l’état mais c’est aussi une critique de l’ingérence étrangère, humanitaire, politique et économique. 

 

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Le tourisme humanitaire en Haïti, une charité devenu business. 

Visite de l’orphelinat « La vigne d’or » à Titanyen, village au nord de Port-au-Prince. Distribution de jouets, de bonbons, gâteaux, ballons de baudruche, coloriages racontant la vie du Christ, animations, et chants sont au programme pour occuper les enfants

Ces dernières années, vous avez suivi Sami et Sabrine, deux tunisiens militants laïques réfugiés en Serbie, contraints de quitter leur pays car les islamistes mettaient leurs vies en danger. Comment les avez-vous rencontrés, et comment avez-vous pu les suivre ?

Ils étaient menacés par des islamistes, et en plus, ils fuyaient leur pays, leur culture parce qu’ils sont athées, militants laïques, et en Tunisie tu peux être athée tu ne peux pas le revendiquer, tu dois fermer ta gueule. Ta façon de t'habiller, de respecter ou pas le ramadan, de boire de l'alcool, ton choix de petit copain... c'est une société qui contrôle sans arrêt tes choix. Ils fuyaient donc un pays qui ne correspondaient pas à leurs idées. Ce couple a des idées universelles de libertés, pour faire ce qu’ils veulent, dire non à leurs parents, à leurs traditions, à leur religion, à leur culture. Ce sont des amoureux de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme française, des amoureux d’Aristide Briand, de Jaurès, ils les connaissent d’ailleurs mieux que moi. Ils connaissent mieux les lois de la laïcité que n’importe quel français, et aussi le Coran plus que les islamistes d’ailleurs. Ils savent de quoi ils parlent. Ils ne font jamais de concessions. Ce documentaire- réalise avec ma compagne journaliste Delphine Bauer- est un apprentissage du militantisme, parce qu’ils sont jeunes, ils rencontrent des gens, ils se trompent, c’est très intéressant de les suivre. Ils sont devenus des amis aussi, ce sont des gens très touchants. C’est un couple, ils auraient eu des dizaines de raisons de se séparer de par leur parcours très compliqué mais ils sont toujours ensemble. C’est aussi une autre manière de montrer les réfugiés. Il n’y a pas que des migrants économiques. ils connaissent mieux notre histoire, et ils ont attendu leur statut de réfugié politique pendant 4 ans ! Maintenant ils l’ont enfin. Ils méritent complètement d’être en France. Leur situation était une injustice.

Sabrine et Sami ont fui le pays pour aller en Serbie parce que là-bas ils n’avaient pas besoin de Visa et ils ont contacté Delphine en lui demandant si elle pouvait les aider d’une manière ou d’une autre à fuir la menace des islamistes et à les aider dans leur galère. Donc nous en avons parlé et avons pensé que la meilleure chose à faire était de les rejoindre et raconter leur histoire. Et nous avons tous les deux été séduits par leur histoire et c’est comme que le reportage a débuté en 2013. je continue de les suivre dans leur quotidien.

Comment vous décidez d’utiliser une esthétique photographique plutôt qu’une autre lors du traitement d’un sujet ?

En fait j’adapte mon regard ou mon traitement photographique au sujet. C’est le sujet qui déclenche le choix. Par exemple le village ce sont des alignements de maisons colorées, carrées, très épurées, et j’aurais pu faire du photo-journalisme classique mais l’esthétique du lieu m’a amené à l’esthétique photographique. J’ai fait des photos en carré, ce que je ne faisais pas avant. Pour « Karnaval », les conditions de lumière dans la journée étaient trop dures. Je voulais aussi me démarquaer de ce qui avait été déjà fait. Alors j’ai choisi un éclairage, un fond noir, dans la rue mais totalement détaché du lieu même du défilé. J’alterne de plus en plus effectivement, aussi parce que je me lasse très vite de ce que je fais, j’ai besoin de changement. Clairement je ne révolutionne rien, je ne suis pas novateur, je n’ai jamais fait de diaporama sonore, je n’y connais rien en technique, je n’ai jamais fait de web doc, je reste très basique dans ce que je fais. Par exemple j’ai aussi un travail photo purement conceptuel avec un ami, on a un duo qui s’appele EPECTASE, c’est de la mise en scène, c’est un peu de la provocation, on se moque des petits propriétaires, de la classe moyenne un peu mesquine ou de la surconsommation, on fait des photos dans des endroits toujours très moches comme des parkings de supermarchés. Je fais aussi un travail sur mon fils, qui est encore une façon d'aborder mon regard sur la vie, très différent. Même avec mon fils, j’essaye de faire passer mes idées sur l’éducation, sur l’absurdité de l’enfant Roi, des parents esclaves de leurs enfants, sur la société qui catégorise les jouets pour enfants, les stéréotypes sexistes, les filles rose et les garçons en bleu. Mais le point commun dans tous mes travaux c’est toujours de vouloir faire passer un message. 

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30 décembre 2013. Sami et Sabrine bloqués depuis 1 an en Serbie, tente le tout pour le tout pour rejoindre la France. Ils appellent un passeur pour organiser leur départ.

Est-ce que l’arrivée d’un enfant, que vous documentez d’ailleurs beaucoup, et avec humour, change la manière dont on choisit ses sujets de reportage ?

Alors non parce que je ne fais plus vraiment de reportages dangereux. Je me serais surement posé la question si je couvrais encore des guerres. Ce qui change c’est l’organisation au quotidien car la maman est elle aussi amenée à voyager beaucoup de par son métier de journaliste. Les sujets ne prennent pas forcément une autre orientation: je travaille toujours sur Haiti, (en février je suis parti pendant un mois ). Alors effectivement oui, je ne pars pas aussi souvent et aussi longtemps que ce que je voudrais ça c’est sûr. La seule adaptation, c'est que mon fils est devenu un sujet en tant que tel ! Ma vie est dédiée à la photographie, donc mon fils est un sujet comme un autre (rires). Quand je le photographie ce n’est plus mon fils, c’est mon propos. J'ai ainsi créé le personnage de « Lardon 1er » pour exprimer mes idées.

Mes photos plus personnelles, familiales, quotidienne de lui, par contre cela reste privé. Je n'exhibe que Lardon 1er, pas Nino (son prénom)

Si vous aviez un conseil à donner à un jeune photographe qui souhaiterait être photo-reporter, quel serait-il ?

 

Vas-y, lance toi, prends un billet d'avion, ton appareil photo (même s'il est pourri) et parcours le monde. Ouvre les yeux et raconte avec un propos personnel !  Ne croyez pas qu’il faut se payer des années d'études de photographie ou de workshop très chers et prestigieux. Il faut aller sur le terrain, il faut arrêter de se poser des questions et de se trouver des excuses du type « je n’ai pas le bon matériel ». Il faut se jeter dans le bain. Ne pas faire les choses à moitié. Il faut savoir se sacrifier personnellement, financièrement pour pouvoir partir, parfois physiquement aussi. Ce n'est pas un métier, c’est un mode de vie et une façon de voir les choses. Quand j’ai commencé à vraiment vouloir être photographe-reporter, j’ai quitté mon appartement, mon boulot, et j’ai squatté dans l’agence, je dormais par terre entre les étagères des archives. Même encore maintenant je me mets des coups de pieds aux fesses tous les jours. Ce n’est jamais acquis. Du jour au lendemain je peux ne plus avoir de commandes, ne plus avoir d’idées, donc il faut tout le temps se faire « souffrance », et c’est un métier qui prend toute la vie. Et maintenant les jeunes de 20 ans ont une maturité, une qualité de photographie et une réflexion que nous n’avions pas, nous les "vieux", a 20 ans, et la concurrence est hallucinante en face, avec plus de visibilité mais beaucoup moins de moyens, donc il faut en vouloir 10 fois plus que les autres !

Entretien par Mathilde Azoze - 12.10.2018

PHOTO INÉDITE

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Issue d'un reportage réalisé pour Paris Match, mais malheureusement jamais publié.

Venus de la jungle de Calais, évacuée en début de semaine par l'Etat, 54 demandeurs d'asile originaires pour la plupart du Soudan ( ainsi qu'un afghan et deux érythréens) sont pris en charge durant trois mois. Ils sont logés dans l'ancien hôpital de Cancale, en Bretagne, fermé depuis 2 ans. L'un des réfugié, Mohamed, prend l'air sur le port de Cancale. 

Corentin Fohlen

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