Photo du mois
Septembre 2019
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Benjamin Forey

"Guet Ndar, Saint-Louis, Sénégal, Novembre 2017
C'est ici, au XVème siècle, que le pays et le fleuve éponyme auraient trouvé leurs noms modernes. Le premier colon portugais ayant accosté demanda à un pêcheur le nom du fleuve en le désignant du doigt. Le pêcheur répondit « suunu gal », « nos pirogues » en langue wolof, croyant qu’il montrait les embarcations.
Cette explication, presque légendaire, est particulièrement appréciée de la population du quartier de Guet Ndar, coincé entre le fleuve Sénégal et l’Océan Atlantique, sur une bande de sable qui ne dépasse pas les 250m de large appelée la langue de Barbarie. Les habitants, pêcheurs de générations en générations, se sont construit une identité unique et forte, s’opposant souvent au pouvoir politique local. Ils ont mauvaise réputation dans le reste du pays, on leur reproche leur renfermement, leur rudesse, les qualifiant parfois de sauvages.
J’ai pour ma part vu une volonté de survie de cette population face à des menaces bien réelles, sur ce bout de terre présentant une des plus forte densité du continent. Cette population pauvre subit la surexploitation des ressources halieutiques en eaux territoriales sénégalaises par les chalutiers asiatiques et occidentaux. L’exploitation du sable vient niveler une côte vulnérable, ce qui renforce les conséquences du changement climatique, la montée des eaux avalant à chaque hiver plusieurs mètres de littoral.
Pour les premiers concernés, la lutte est perdue d’avance face à un océan destructeur pourtant autrefois nourricier. Au delà de la perte d’une maison, d’une identité et le départ vers un ailleurs, seule reste dans cette adversité la solidarité en lieu et place de refuge.
Avant qu'il ne disparaisse, j’ai tenté de dresser un portrait de ce quartier attachant, lieu de naissance du nom Sénégal. Cette photo est celle qui représente le mieux les couleurs et la vie l’habitant."
Benjamin Forey, France
@benjaminforeyphoto